Edouard Leys Trio
Edouard Leys Trio
EDOUARD LEYS TRIO - « La ligne Jaune » (Tilt/Black & blue)
Par Agnès Olier - Pianiste, compositrice pour le cinéma et le théâtre, ainsi qu'auteur pour la télévision (Arte), animatrice et productrice radio (France Culture, France Inter). Elle poursuit en parallèle une carrière de compositrice et d’interprète dans le monde du cinéma et des arts vivants.
Le titre de tout album de jazz fait office autant de profession de foi que de promesse. Qu’il soit espiègle ou absurde, onirique ou sobre. L’écoute de l’album tient à résoudre aussi l’énigme que porte ce titre. Ce qui dévoilerait son ADN caché. Son ambition secrète. Surtout pour un premier album comme que celui-ci,
l’intrigante « Ligne jaune ».
Pour le Trio Edouard Leys, ce serait donc une promesse de couleur, de vitesse. Un geste qui tend, balaie, et colore sur son passage. Et c’est en effet une lueur toute particulière qui traverse ces treize morceaux, dans un temps soudain mimétique à celui d’un coucher de soleil.
Incontestablement, cet album s’étire sur une ligne d’horizon toute solaire et estivale dans une écriture et un jeu sans heurt, résolument contemporains, affranchis de codes.
Plongeant dans la grande tradition du jazz, le trio fait ici la somme des larges univers qui animent ses musiciens pour fusionner en un son brillant. Et même sous certains prismes de lumière, ce son, sculpté notamment par une batterie de caractère, devient rutilant.
Malin, inventif, sincère, frais, Edouard Leys dialogue en notes avec Guillaume Robert ou Michel Rosciglione à la contrebasse, Mourad Benhammou à la batterie, mais aussi l’excellent Malo Mazurié à la trompette, notamment dans le virtuose « Versus », ou encore dans « El Toro » qui fait entrer l’album dans une dimension voyageuse, presque navigante. On imagine alors volontiers une errance sur des flots étals, ou la sombre solitude d’un toréador au cœur d’un combat.
Depuis le piano, Edouard Leys lance ses compositions presque toutes originales dans un phrasé qui revient souvent de la ligne du discours. Un discours très personnel, sans fioriture. Son verbe est aussi libre que haut. On connaît d’ailleurs le pianiste pour ses fameuses « mises en harmonie » des discours des politiques de la grande époque Obama, aussi espiègles que justes, dont la plus célèbre vient rythmer l’introduction de « Versus ».
Il y a là une caractéristique du « discours » mélodique d’Edouard Leys depuis le piano. Tout en contraste mais dans une linéarité et tension constantes, comme un arc toujours prêt à lancer une flèche de notes, on reconnaît dans sa prosodie personnelle les intonations d’un Bill Evans, d’Abdullah Ibrahim ou de Lyle Mays.
Au gré de ses rythmiques changeantes et sans jamais tomber dans l’exercice de style, Edouard Leys mène son trio au confluent d’un son finalement très postmoderne. Il nous immerge dans les pages d’un journal vagabond, riche de tout ce qui compose un musicien de notre temps.
On saute ainsi à pieds joints dans l’esprit latin et très methénien de « Marcies », puis on glisse sur la voix de Lys Cogui dans une reprise sensuelle et réussie de « Skyfall ». Précis, tenu, ni féminin, ni masculin dans ses arabesques voluptueuses, la rencontre du pianiste avec la chanteuse se marie à merveille. On en redemanderait. On les retrouve avec plaisir dans une tonalité plus urbaine avec « A long walk » qui ne manque pas de rappeler alors le groupe Tok Tok Tok.
Estival et explosif, le titre phare « La ligne jaune » vient bousculer l’esprit d’un ”Cantalup” et libérer une dose infinie de jubilation. Le titre ressemble déjà à un standard...
La bien-nommée « Chimère », piano solo, inspire quant à elle le meilleur d’une mélancolie aigre-douce pour se terminer dans une révérence gospel.
C’est peut être ça, l'ADN et l'ambition secrète de « La ligne jaune » : une sorte de grand soleil musical qui vient cligner de l’œil avant la nuit dans une esthétique soyeuse, fraîche, sincère. Un album qui serpente intelligemment sur la ligne de crête des techniques classiques pour colorer les heures joyeuses de l’été qui nous attend d'une modernité inattendue.
Edouard Leys : Piano
Guillaume Robert / Michel Rosciglione : Contrebasse
Mourad Benhammou : Batterie
Vidéo : Skyfall (James Bond Theme) Feat. Lys Cogui
En concert :
27 mai, 19h : PARIS - Le sunside
12 juin, 20h : RENNES - Fest. la harpe en jazz
14 octobre, 20h30 : MARSEILLE - Le rouge
2 février, 20h30 : ROSPORDEN - C. Culturel
10 mars : ST AMBROIX (30) - L’entrée des artistes
29 mars: BRUZ (35) - Eco domaine de l'étrillet
30 mars : RENNES (35) - Les Champs Libres (feat. Lys Cogui)
03 aout : LANGOURLA (22) - Jazz in Langourla (feat. Lys Cogui)
3 novembre : PLOUER SUR RANCE (35) - Festival Plouer in jazz (feat. Lys Cogui)
Vidéo : La ligne jaune Feat. Malo Mazurié
Diffusions de Skyfall - Club Jazzafip
Diffusion d’Obama's Groove
Diffusion d’Obama's groove et Versus - Emission Open Jazz d’Alex Dutilh
Découvrez le trio à travers l’élégant reportage de France 3 Bretagne (Thierry Brehier, 3mn) :